Bye Bye Bowie – ou comment David Bowie a façonné mes gouts musicaux

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J’ai découvert David Bowie au tournant de l’an 2000. Avant ce n’était pour moi qu’un nom mythique, un gars qui aime bien se déguiser, le mec de “Let’s Dance”, ou encore le type qui ressemble à Tina Turner dans Labyrinthe.

Puis, je ne sais plus comment ni pourquoi, j’ai acheté la compilation « Bowie at the Beeb ». Je pense que je découvrais alors le monde de John Peel et de la BBC, et j’avais dû lire une bonne critique de cette collection. Première écoute, surprise. « In the Heat of the Morning » ne ressemble pas du tout à ce que j’avais imaginé. Une intro qui fait penser au « Like a Rolling Stone » de Dylan, une ligne de synthétiseur digne des Animals et une voix qui fait plus penser à Tom Jones. Rien à voir avec “Let’s Dance”. Je m’attendais en fait à quelque chose de plus bizarre.

L’écoute se poursuit. Tiens, il reprend « Le Port d’Amsterdam » de Brel, comment ose-t-il ?! Notre Brel ? En anglais en plus ? Indignation. Boooo Bowie. Mais… mais… en plus c’est réussi? Impossible. Suit la chanson qui scellera mon amour de Bowie, « God Knows I’m Good ». Ce n’est pas la meilleure chanson de Bowie, techniquement il n’y a pas grand-chose à voir, Bowie n’a pas encore sa grande voix de la période Berlinoise, mais l’interprétation est passionnée. Et surtout, ce titre répété aux multiples sens, aveu d’un ego démesuré et supplication pour que Dieu détourne le regard pendant qu’il fait des conneries. De quoi résumer sa carrière.

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De la nait une fascination pour le personnage et sa musique. Époque faste pour les amateurs de disques vinyles, je me procure dans les deux années qui suivent la quasi-totalité de sa discographie pour une bouchée de pain. De « Space Oddity » jusqu’aux années 80. Je n’écoute plus que lui. Mais je m’arrête aux années 80s, à l’album “Scary Monsters” pour être exact. Les orchestrations de l’époque ne me plaisent pas, et surtout, je sais que si je continue, je vais tomber sur “Let’s Dance”. Et s’il y a une chose qui est sure, c’est que je ne veux pas tomber sur “Let’s Dance”. On en reste là donc. Ca fait tout de même une quinzaine d’albums à digérer.

Une quinzaine d’albums ? Ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Il est impossible pour moi d’estimer l’impact que Bowie a eu sur mes gouts musicaux et ma curiosité en la matière. Tomber dans Bowie c’est ouvrir une véritable boite de Pandore car l’homme a de tout temps puise dans les courants musicaux naissants pour créer son œuvre. On peut débattre longtemps de ses qualités d’innovateur mais son talent pour digérer un courant musical et en recracher sa propre interprétation est indéniable. Si on commence à creuser un petit peu, on découvre une mine d’or d’influences assumées. Ces premières années en sa compagnie mon propre univers musical croit exponentiellement. Quelques exemples.

Donc Bowie époque Ziggy c’est du « Glam Rock » me dit un magazine… et il est pote avec un mec qui s’appelle Marc Bolan de T-Rex ? Connais pas. Ah ouais. T-Rex. Putain, T-Rex.

Glam Rock comme aussi… les New York Dolls ? qui étaient vaguement apparentés a une scène qui tournait autour du CBGB… avec Television, Talking Heads, Blondie… et leur guitariste c’est Johnny Thunders ?

Et c’est quoi cette version d’ « Amsterdam » ? Semblerait que ça ait été traduit par un dénommé Scott Walker. Même qu’il en aurait fait d’autres après une carrière dans un groupe a midinettes (et bien avant de faire de la musique expérimentale en tapant sur des pièces de viandes)

Tiens, Bowie a aussi produit des trucs avec Lou Reed ? Transformer ça s’appelle. Ouais, je connais quelques chansons en fait. Tiens, peut-être que la carrière solo de Lou Reed vaut la peine aussi

Un disque des Stooges a une brocante. Me semble que Bowie a fait un truc avec les Stooges (Raw Power). Je prends. Cool ce truc. Mes potes aiment bien Iggy Pop solo aussi. Ah, tiens, c’est Bowie aussi.

Puis c’est quoi cette fameuse trilogie berlinoise ? Krautrock ? Kraftwerk, Neu, Can ? C’est bien ca?

Le tout produit par Brian Eno. Parait qu’il n’est pas mauvais non plus non celui-là.

… et la liste est infinie…

Je ne le sais pas encore, mais Bowie est en train de façonner la manière dont j’écoute la musique et de devenir une sorte de mètre-étalon. Des années plus tard, je découvrirai (mais pas via Bowie) un autre de mes musiciens favoris dans le groupe Wolf Parade, Spencer Krug. Ma fascination pour Spencer Krug est directement issue de celle pour Bowie. Pianiste. Voix fluette. Textes remplis de métaphores. Un gout pour le mystique. Changements fréquents de direction, quitte à perdre une partie du public en chemin. Tout y est.

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Mais revenons à David. En 2002 sort un nouvel album, « Heathen ». Je ne m’y intéresse pas tellement car je suis persuadé que ses belles années sont derrière lui. « Ashes to Ashes » et puis s’en va. Ce duo avec Mick Jagger n’a jamais existé en ce qui me concerne. Puis j’entends « Slow Burn » a la radio. What the fuck ? On m’a menti? Je me procure l’album et il entre immédiatement dans mon top 5 du monsieur. Sa voix est magnifique. L’album mélange des moments pop/rock très accessibles et des passages beaucoup plus avant-gardistes, retour à la guitare, retour à une collaboration avec Tony Visconti, imagerie magnifique. Cet album servira de bande sonore à de très beaux moments des années plus tard. C’est celui que je ressors régulièrement pour ceux qui ne connaissent que le Bowie époque Ziggy. « Reality » suit, de bons moments mais un peu moins réussi dans l’ensemble. Qu’à cela ne tienne, une tournée est annoncée, je vais enfin le voir. Les places pour le SportPaleis se vendent avant que je ne parvienne à en avoir une. Merde. Je ne m’acharne pas à essayer d’en trouver une, pris dans les études. Puis il est annonce pour le festival Werchter. J’achète une place. Il ne s’y présentera pas. Malaise sur scène l’avant-veille. 2ManyDJs remplace et entame son set avec « Rebel Rebel ». Non.

Les années passent. Je me fais une raison. L’homme est à la retraite.  Un jour au cinéma, scène finale de « inglorious Basterds » et « Cat People » retentit. Je ne connais pas cette chanson de Bowie ?! Elle est super en fait. Quoi? Elle est sur « Let’s Dance » ? Direction mon disquaire, y’a toujours une copie qui traine pour quelques roupies. En fait c’est un excellent album pop. Mes gouts ont dû changer car je l’écoute avec beaucoup de plaisir. « Modern Love » me fait penser à « Footloose ». Impossible de ne pas aimer donc. Coquin de Bowie. Il a beau être a la retraite, il me surprend encore. Va falloir revisiter sa période 80s-90s. On va pas se mentir, il n’y a pas que des perles, mais définitivement, « Let’s Dance », « Outside » (ses retrouvailles avec Brian Eno) et son groupe de rock « Tin Machine » sont à sauver. Même dans le techno-Bowie de « Earthling » il y a du bon (pour les amateurs de Drum n Bass), mais là j’avoue que c’est peut-être le fan qui parle.

« The Next Day » sera une surprise. Bon album, mais la joie de ces retrouvailles inattendues est plus grande que le plaisir d’écoute. Une tournée David ? Non? D’accord. C’est pas grave, continue à faire de la musique quand même s’il te plait. Quelques singles continuent de sortir et « Blackstar » est annonce. Un album a la pochette noire, avec une étoile découpée (du moins dans sa version vinyle). La première pochette de sa carrière sur laquelle il ne figure pas, je pense immédiatement. Je l’achète le jour de sa sortie sur base des singles et c’est un album magnifique. Bowie is back. J’imagine une tournée triomphale. Il n’y en aura pas. Bowie a déjà tue nombre de ses personnages à travers les années mais il semble que cette fois ci soit la bonne. Une sortie théâtrale, parfaitement orchestrée même. Cracked Actor, va. RIP Bowie, merci pour tout, tu l’auras réussi ton Rock n Roll Suicide.

Deux playlists en écoute. La première est composée des meilleures chansons méconnues de l’homme. Tout le monde peut se procurer le Best of Bowie facilement pour les tubes, autant offrir autre chose. Sauf que j’inclus la version allemande de « Heroes » parce qu’au fond, tout est plus chouette en allemand (a partir de 2.15). Et j’aime bien l’entendre crier « Ich, Ich bin der Koenig! ». La deuxième est une sélection de toute la musique que je lui dois.

1976: David Bowie poses for an RCA publicity shot in 1976. (Photo by Michael Ochs Archives/Getty Images)
1976: David Bowie poses for an RCA publicity shot in 1976. (Photo by Michael Ochs Archives/Getty Images)
Reno
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6 comments

  1. J’avais copié ton exemplaire du “live at the Beeb”. Beaucoup écouté à l’époque mais plus depuis. A refaire car excellent album. A part ça j’écoute de temps en temps Space Odity, The Man Who Sold The World, Young Americans et Hunky Dory. C’est déjà pas mal pour un non-fan. Par contre je n’ai jamais pris la peine de bien écouter la période (l’énorme période) 1983 à 2016. Merci donc pour la playlist. Il vaut quoi Blackstar selon toi?

    1. Blackstar est excellent je trouve, mais trop top pour dire à quelle hauteur je le situerai dans son panthéon. Un peu court peut-être, mais Il paraîtrait qu’il y a quelques morceaux qui n’ont pas été inclus sur l’album, je m’attends a une version “deluxe” dans les prochaines années…

  2. Rock ‘n Roll suicide.. Une des plus belle mélodie du monde, non? (avec “Girls” et “All my loving” bien sûr)
    Ca me donne une envie de Jack Daniels.. D’ailleurs je viens de l’ouvrir.. Merci pour ce beau texte René! J’avoue être un peu noir ou blanc avec David Bowie, j’ai pas réussi à aimer tout, mais j’adore ceux que j’aime 😉 Et blackstar en fait vraiment partie, en entier.. Lazarus est tellement bien..

  3. Merci pour le guide à travers Bowie! Je vais écouter Heathen, Let’s Dance, et finalement la Parade des Loups!
    Je me rappelle comme on avait naïvement espéré pouvoir obtenir des billets pour ce concert à Anvers! 🙂 Ouais, on était pas seuls sur le coup!

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